justice ou injustice ?


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Le rôle ambigu des médias :

[Lire la revue de presse...]

Pendant l’instruction et jusqu’au procès :

Dans cette affaire, les médias ont joué un rôle important mais ambigu tout au long de l’affaire des disparus de Mourmelon.

D’un côté, sans la pression médiatique qu’ils ont exercée auprès du pouvoir judiciaire, l’affaire aurait été enterrée depuis longtemps : les journalistes ont contribué à ce que l’affaire survive, malgré les errements et les lenteurs de la Justice, et ont dénoncé régulièrement ses défaillances.

Par contre, certains journalistes ont souvent été très approximatifs, surtout cherché à faire du sensationnel et parfois exploité la détresse des parents des disparus.

Il est vrai que quand les victimes perdent tout espoir, se rendent compte que la machine judiciaire, par ailleurs empêtrée dans une enquête mal conduite et rendue inopérante par ses propres contraintes de procédure, ne leur accorde aucune considération, il est tentant d’essayer d’utiliser ce pouvoir fascinant et difficile de ne pas céder à la tentation des médias.

Depuis vingt ans, on a ainsi pu voir le pire et le meilleur, avec des émissions dégoulinantes de bons sentiments, exploitant la situation des victimes pour faire de l’audience, mais aussi des enquêtes approfondies, mettant en évidence les erreurs ou les dysfonctionnements des procédures officielles.

Les familles des victimes ont eu des attitudes très différentes vis-à-vis des médias.

La couverture médiatique importante a été exploitée par l’avocat de Pierre Chanal comme un argument (voir le mémoire déposé à la court de cassation) pour affirmer que son client n’aurait pas droit à un procès équitable, que les choses étaient jouées d’avance et qu’aucun juré ne serait à même de le juger de manière impartiale. Il faut savoir, par exemple, que dans son argumentaire devant la cour de cassation sur ce thème, Maître Buffard a annexé différents articles de presse et la cassette de l’émission « 7 à 8 » diffusée par TF1 le 4 mai 2003 et celle de l’émission « Faites entrez l’accusé ».

De même, dans la lettre envoyée à la Présidente de la Cour d’assises pour expliquer les motifs de sa tentative de suicide, Pierre Chanal reprend largement cet argument du harcèlement médiatique (alors qu’il fait allusion dans la même lettre à une conférence de presse qu’il a lui-même convoquée !)

les juges, affirmaient également travailler plus efficacement s’ils étaient à l’abri de la pression constante des médias. C’était constamment mentionné par les juges ou les procureurs dans leurs rapports ou au cours des réunions avec les familles, même si, a posteriori, on peut légitimement penser qu’ils voyaient plutôt d’un mauvais œil que des journalistes soulignent que le travail était bâclé.

Bien évidemment, à partir du moment où les médias avaient sous la main un tueur en série, en France, leur attention s’est concentrée sur Pierre Chanal, son enfance, sa psychologie, etc. et ils se sont désintéressés des victimes et de leurs familles.

Il faut bien comprendre jusqu’où cela allait : un journaliste le 14 octobre 2003 à Reims, à qui les familles faisaient part de leur soulagement de voir le procès enfin démarrer, même en l’absence de Pierre Chanal, était visiblement très déçu et répondait : « Nous n’aurons pas notre beau procès ». Pour lui et probablement beaucoup de ses confrères, un procès sans Pierre Chanal perdait beaucoup de son intérêt médiatique !

L’exemple le plus caricatural en matière de comportement des journalistes concerne l’annonce du suicide de Pierre Chanal : Les familles ont été réveillées dans la nuit par un journaliste qui cherchait visiblement à être le premier à recueillir les réactions des parties civiles, à les enregistrer et à la diffuser à l’antenne. Un moyen pour celui qui tient un scoop d’avoir un éphémère moment de gloire, au mépris de toute pudeur et sans aucune retenue.

Après le suicide de Pierre Chanal :

En entendant un peu plus tard les premiers reportages à la radio ou à la télévision, tout le monde a compris que cette pression médiatique allait cesser très rapidement, après quelques jours, dès que les journalistes se tourneraient vers de nouveaux centres d’intérêt.

Les déclarations du procureur et du Ministre de la Justice, Dominique Perben, portant uniquement sur l’origine des lames de rasoirs utilisées par Pierre Chanal pour se suicider, étaient un nuage de fumée pour détourner l’attention de l’ensemble de l’affaire des disparus de Mourmelon.

Il fallait exploiter la courte période pendant laquelle les journalistes s’intéresseraient encore à l’affaire pour éviter qu’on en reste là. Les médias étaient indispensables : il fallait relayer la demande des familles d’obtenir une enquête complète sur l’affaire pour comprendre comment un tel naufrage judiciaire avait pu se produire.

La presse régionale et les journaux télévisés l’ont fait dans la semaine qui a suivi le procès. Par contre, la presse écrite nationale n’a visiblement pas compris que l’enjeu dépassait le simple fait divers.

Les informations récentes sur les disparitions de Valdahon et la parution des premiers livres sur l’affaire des disparus de Mourmelon ont suscité un peu d’intérêt mais sans plus. Tout cela est très instructif sur le fonctionnement et le pouvoir des médias, et la durée de vie extrêmement courte de l’information : quand on a vécu cela, on a une attitude différente en écoutant les nouvelles et on relativise beaucoup…

Les dérives médiatiques :

L'agitation médiatique est très vite retombée après le suicide de Pierre Chanal.

Il y a un petit regain d'intérêt pour l'affaire au moment de la condamnation de l'Etat français pour faute lourde mais les journalistes n'ont pas été jusqu'à demander aux responsables politiques pourquoi un jugement aussi sévère (lire les attendus du jugement) n'entraînait aucune réaction du ministre de la Justice (Dominique Perben à l'époque) en particulier et des responsables politiques en général.

En septembre 2005, plusieurs projets d'émission plus ou moins sérieuses sont annoncés, avec, comme c'est à la mode, au moins une fiction sur France Télévision.

Bien entendu, les responsables de la production n'ont pas pris le soin de prévenir les familles des victimes avant le début du tournage et encore moins de leur demander leur avis.

Peut-on parler de droit à l'information pour une fiction ? Où est le droit à l'image ?

Pourquoi PM Holding et France 2 n’ont-ils pas pris le temps d’informer les familles des disparus avant le début du tournage ? Pourquoi ont-ils au contraire pris le temps de consulter le service de communication de l’armée avant le tournage ? Quels engagements ont-ils pris pour avoir l’autorisation de tourner leur fiction sur un terrain militaire ? Va-t-on nous reparler de désertion ?

Si le scénario de la fiction, que PM Holding, la société de production a refusé de communiquer aux familles des disparus, n’est pas rigoureux, ne risque-t-on pas de faire passer l’idée que le dossier d’accusation n’était pas solide.

Le mépris des familles des victimes continue et elles auront ainsi été trois fois victimes : d'abord victime de l'assassin, ensuite victime de la justice qui n'a pas fait son travail et, enfin, victimes de certains médias prêts à tout pour l'audimat... Verra-t-on un publicité pour les lames de rasoir pendant la coupure publicitaire ?

Voir également :[Une interview du producteur]. [Lire la revue de presse...]
Disparus de Mourmelon : pas de scrupules pour exploiter le filon médiatique...


 

www.disparusdemourmelon.org