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Le monde - 25 juillet 2004 - Jean-Baptiste de Montvalon

Critiquée, Nicole Guedj estime "avoir fait preuve de la prudence nécessaire"

La secrétaire d'Etat aux droits des victimes, qui a reçu Marie Leblanc le 12 juillet, se défend de n'avoir qu'un rôle compassionnel. Pour dissiper le doute qui commençait à la tarauder, Nicole Guedj a demandé que ses services lui communiquent les scripts des – nombreux – propos publics qu'elle a tenus, les 11 et 12 juillet, sur Marie Leblanc. De cette (re) lecture, la secrétaire d'Etat aux droits des victimes est sortie convaincue de n'avoir vraiment rien à se reprocher.

"J'ai exercé ma mission sans l'outrepasser", déclare Mme Guedj, ajoutant qu'elle estime "avoir fait preuve de la prudence nécessaire".

La secrétaire d'Etat a beau jeu de souligner qu'elle est intervenue "à l'unisson de tout le personnel de la classe politique". Mais sa propre partition a été particulièrement vibrante. Dans un communiqué publié le 11 juillet en fin d'après-midi, Mme Guedj indiquait s'être entretenue par téléphone avec la "victime". L'assurant de "tout son soutien", elle se disait alors "choquée d'apprendre qu'aucun des passagers de la rame n'-était- intervenu", et appelait les témoins à se manifester. Elle a renouvelé cet appel sur Europe 1 deux heures plus tard, avant de livrer ses impressions à l'AFP. Le lendemain matin, Mme Guedj a reçu dans son bureau Marie Leblanc pendant un peu plus d'une heure, puis a relayé ses propos devant la presse.

"Il faut accorder aux victimes une présomption de bonne foi jusqu'à preuve contraire, jusqu'à la fin de l'enquête", explique aujourd'hui Mme Guedj. N'est-elle pas sortie de son rôle en lançant un appel à témoins ? "C'est un outil mis à la disposition des victimes pour la manifestation de la vérité", répond l'avocate, qui assure n'avoir fait que "relayer"celui qui avait été "lancé par les services de police". Quant à sa forte présence médiatique, Mme Guedj renvoie la balle à ses interlocuteurs : "Les médias n'ont cessé d'appeler pour nous demander des réactions et connaître nos intentions."
"Le 11 juillet, ajoute-t-elle dans un sourire entendu, les journalistes ont, semble-t-il, reconnu l'utilité de ma mission. Je souhaiterais qu'ils ne l'oublient pas..."

LA DANSE DU VENTRE

La "secrétaire d'Etat aux gerbes de fleurs", comme l'avait qualifiée Libération le 29 mai, sait pertinemment qu'au-delà de ses récentes maladresses, ce sont sa fonction et son rôle – apparus lors du remaniement gouvernemental du 31 mars – qui suscitent le plus d'interrogations.

"Je ne vois pas bien à quoi sert un tel secrétariat d'Etat, explique l'ancienne garde des sceaux, Elisabeth Guigou (PS), sinon à produire un effet d'affichage politicien donnant à penser que rien n'avait été fait avant. Ce qui est faux."
"C'est un vrai gadget, de la démagogie absolue", renchérit l'ancienne députée (PS) Christine Lazerges, ex-rapporteur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes.

"Ce n'est pas aider les victimes que de les donner en spectacle à la société", note Mme Lazerges, qui assure qu'une "impulsion politique" suffisante avait été donnée en 1983, lorsque Robert Badinter, alors garde des sceaux, avait "ouvert une ligne budgétaire qui a permis la création des associations d'aide aux victimes".

Proche de Jacques Chirac depuis son entrée en politique lors des élections municipales de 1995, Mme Guedj affirme, à l'inverse, que seul un portefeuille gouvernemental spécifique permet d'assurer la coordination et l'impulsion nécessaires. Toutes choses, soutient-elle, qui sont plus importantes que sa présence médiatisée au chevet des victimes : "Ce n'est pas moi qui choisis les images..." La secrétaire d'Etat, qui prépare un "plan d'action" pour "la rentrée", demande qu'on la laisse faire ses preuves : "Il a fallu du temps au ministère de l'environnement pour exister, et aux sports pour être dotés d'un ministère de plein exercice", souligne-t-elle.

"On est encore dans une phase de diagnostic", précise son conseiller, Philippe Mettoux, qui, lui aussi, réclame qu'"on nous laisse un peu de crédit pour montrer qu'on est capables de faire autre chose que la danse du ventre auprès des victimes".
"Souvent, assure-t-il, la ministre est furieuse lorsque son rôle compassionnel est mis en avant. Les victimes n'attendent pas cela, mais de l'action." Car le verdict viendra aussi des intéressés. "La création d'un secrétariat d'Etat a suscité un espoir formidable chez beaucoup de gens", note M. Mettoux. Qui garde l'espoir d'avoir le temps de ne pas décevoir.

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