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L'Express - 19/07/2004 - Eric Mandonnet

La politique victime des victimes

L'affaire du RER D illustre la dérive émotionnelle du pouvoir. A force de courir derrière les victimes, les politiques s'épuisent. Depuis plusieurs années, les élus, Jacques Chirac en tête, jouent du registre de la compassion pour exister. Le 31 mars, la création, à la demande de l'Elysée, d'un secrétariat d'Etat aux Droits des victimes a consacré cette soumission à l'émotion.

Les pouvoirs publics ont un devoir de solidarité : dans la loi sont d'ailleurs déjà inscrites des mesures comme la garantie d'informer la victime de son droit à un avocat ou l'octroi sans condition de ressources de l'aide juridictionnelle pour les victimes de crimes. Une administration, le Service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville, s'occupe, au sein de la chancellerie, des indemnisations, de l'accompagnement psychologique ou du transport des familles.

Le problème naît quand la parole et l'image détrônent l'action. Toute à sa préoccupation d'exister médiatiquement, la titulaire du nouveau portefeuille, l'avocate Nicole Guedj (UMP), se cherche une mission, dès lors que ses attributions sont restreintes. Dans le psychodrame du RER D, résumé d'une formule « abracadabrantesque » par Chirac le 14 juillet - « C'est une affaire regrettable à tous égards; mais je ne regrette pas » (sic) - elle n'a cessé de sortir de sa fonction : lançant un appel à témoins un jour, cautionnant les propos de l'affabulatrice le lendemain, elle a fait jouer au politique un rôle qui n'est pas le sien.

Dans un entretien publié en 1997 par la revue Regards, le philosophe Alain Finkielkraut réfléchissait à cette dérive :
« On a été tellement déçu par tant de causes trahies qu'on ne veut plus miser que sur les victimes. Mais n'oublions pas que la politique est un risque à courir. [...]
Si on ne veut pas prendre ce risque, qui est aussi risque d'erreur, alors on va tabler sur la victime, qui, elle au moins, ne ment pas. »

Jusqu'au jour où une pseudo-victime ment, entraînant le responsable politique dans une chute lourde de sens.

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